Des années durant, monsieur Jean Gauby, régisseur du maréchal Joffre, a gardé dans son
garage de Rivesaltes, la voiture Delaunay Belleville 1913 du maréchal Joffre. Il la faisait
volontiers visiter.
Monsieur Gauby faisant office de chauffeur, elle servait à Joffre à voir ses vignes et à se
promener dans le département. A la mort de Joffre elle lui fut donnée.
En 1975, les héritiers la vendirent.
Restaurée au garage Citroën de Perpignan, elle fut acheminée sur Lyon.
Jusqu’en 2007, elle était exposée à Pont l’Evêque en Normandie au musée Belle Epoque de
l’automobile, château de Betteville.
A la fermeture du musée elle a été vendue.
Delaunay Belleville
Type HA 4 – Limousine 1913
Provenance : Maréchal Joffre
N° de Série : 3
Puissance Fiscale : 15 CV
Moteur : 4 cylindres en ligne de 3.920 cm3, en deux groupes – alésage course 99 x130 mm
Allumage : par magnéto
Alimentation : par un carburateur horizontal Delaunay Belleville
Boîte de vitesses : manuelle à 4 rapports + MA
Freins : à tambours sur les 4 roues, commandés par tringle, type Perrot à l’avant
Conduite : à droite – Direction : boîtier à vis et secteur
Roues : à rayons acier, fixées par boulons
Pneus : Dunlop à talons 895 x 135
Suspension : sur ressorts semi-elliptiques longitudinaux à l’avant et à l’arrière avec un ressort
semi-elliptique transversal
Carrosserie : Limousine – 4 portes – 6 places avec séparation chauffeur. Caisson : vert
bouteille – pavillon et ailes noires. Intérieur : compartiment avant en cuir beige et
compartiment arrière en draps gris
Louis Delaunay Belleville, né en 1843, avait établi sa firme, ateliers et chantiers de l’ermitage
à Saint Denis sur Seine et construisait des chaudières pour bateaux et locomotives. Elève de
polytechnique puis du génie Maritime, sa carrière brillante l’amena à rencontrer en 1904
Marius Barbaroux issu de chez Clément. puis il travailla pendant trois ans chez Benz à
Mannheim, et enfin, avec ses fils Pierre et Robert, il créa la Société Anonyme des
Automobiles Delaunay Belleville, laquelle conserva longtemps sur ses voitures le radiateur
rond, souvenir des chaudières du 19e siècle…
Dès 1907, trois modèles étaient présentés : un 4 cylindres 16 cv (90x130mm) et 6 cylindres
24 cv (105x130mm) ou 40 cv (130×140 mm). Les cylindres étaient en plusieurs groupes mais
pour les 4 cylindres, la transmission se faisait par cardan avec graissage sous pression ce qui
était très nouveau pour l’époque. En 1913 apparut l’éclairage électrique. Ces modèles furent
reconduits voire développés jusqu’en 1914 et choisis par les «grands » de ce monde et les «
Cours royales ». Le Tsar Nicolas II de Russie en posséda plusieurs dont une 70 CV, 4 tonnes,
modèle baptisé SMT, « Sa Majesté le Tsar », qui possédait un démarreur à air comprimé sous
pression de 50 kg parfaitement silencieux, le système Barbey.
Après ce premier grand client, on compta la Reine Amélie du Portugal, le Roi du Danemark,
l’Archiduc d’Autriche, le Roi Edouard VII d’Angleterre et en 1913 le président de la
république Française Raymond Poincaré, en fait sa voiture officielle, suivi par les généraux
Gallieni, Joffre et en 1917 par le général Pershing. Ces clients célèbres ne devaient pas faire
oublier ceux qui utilisaient les Delaunay Belleville sportivement tel Mr. Bernier qui, parti du
Havre en janvier 1912, se classa troisième au général du rallye de Monte Carlo. Les fils
poursuivirent le programme de leur père décédé subitement à Cannes en 1912, appliquant à
la lettre le slogan « la mieux en tout ». Delaunay Belleville continua jusqu’en 1948 à produire
des voitures de grande qualité en nombre de plus en plus restreint, la diversification de ses
activités lui permettant de subsister : générateurs, groupes électrogènes, machines à vapeur
verticales, matériel naval. En 1947 les usines de St Denis produisirent les petites automobiles
De rovin et de nos jours on utilise encore la graisse « Belleville » pour les garnitures de boîte
à étoupe !
C’est en 1913 que celui qui deviendra le Maréchal Joffre acquit la 4 cylindres Delaunay
Belleville, fleuron depuis plusieurs années de la collection du Musée de Normandie. Cette
limousine a été carrossée avec séparation chauffeur, et un système de communication
passager / chauffeur, galerie sur toit, magnifique tableau de bord avec tachymètre OS à
compteur journalier et totalisateur, ampèremètre SEV, manomètre de pression d’huile : elle
bénéficiait en effet de nouveautés de l’époque : graissage par huile sous pression et
éclairage électrique assuré par une très belle paire de phares SEV auxquels par prudence,
était ajouté à gauche du pare-brise un phare orientable à acétylène. Cette intéressante,
luxueuse et rare voiture de collection est donc également précieuse par sa provenance,
comme en témoignent les documents qui nous ont été remis, et reproduits ci-contre. Elle
doit être considérée comme « la voiture de famille ». Vers 1920, une auto se gardait à vie et
il était normal de lui faire profiter des nouveautés la rendant d’une utilisation plus agréable
voire d’un aspect plus moderne : la limousine du Maréchal Joffre s’est ainsi vue dotée d’un
essieu avant avec freins perrot, de roues métalliques, d’une nouvelle dynamo alors que
l’auvent, le capot et le radiateur étaient remplacés en 1923 par Guldener, carrossier à
Marseille : un auvent plus arrondi à angles moins marqués et surtout un des nouveaux
radiateurs Delaunay Belleville ronds légèrement inclinés et en coupe-vent. Son
immatriculation d’époque était 8773 A. nous avons la copie de la carte grise, ancienne série,
datant de 1931 établie au nom de Mme La Maréchale Joffre. Elle céda la voiture à son
chauffeur Mr. Gauby qui était aussi le gardien de la propriété de Rivesaltes. Sa carte grise
actuelle est établie au nom de Jean Delaytermoz auprès duquel Michel Dubec l’a acquise par
l’intermédiaire de Lucien Mette.