La semaine dernière, une délégation du musée Joffre s’est rendue à Lagrasse dans l’Aude.
Cette petite ville est bien connue des Rivesaltais car son abbaye a été seigneur de Rivesaltes depuis le 3 des calendes de l’an 923, où, Landric « malade et songeant au salut de son âme » lui donna sa manse de Rivesaltes. Elle le restera jusqu’ à la Révolution.
Cette fois, il ne s’agissait pas de rendre hommage, mais de récupérer l’album « CATALUNYA A JOFFRE » qui s’y trouvait depuis 2 mois.
Cette œuvre d’art, témoignage inestimable de l’admiration et de l’affection que les catalans du sud portaient au maréchal Joffre, avait besoin d’être restaurée.
Une fente au dos s’agrandissait et le corps de l’ouvrage s’était séparé de la couverture. Celle-ci, pièce unique du grand sculpteur Pau Gargallo (1881-1934) devait être confortée.
Ce travail a été confié à madame Joanna Dechezleprêtre, agrée par l’Etat, conservatrice-restauratrice de peinture et arts graphique à Lagrasse, que nous avait conseillé madame Isabelle Jubal, responsable du CCRP (Centre de Conservation et de Restauration du Patrimoine).
A l’annonce de l’élévation de Joffre comme maréchal de France et de sa nomination comme Conseiller Militaire du Gouvernement, Romà Jori, directeur du journal francophile à «La Publicidad» propose d’envoyer ses félicitations.
Malgré la censure, ses contacts parmi ses confrères journalistes et dans les milieux politiques français, lui révèlent que, ce qui apparaissait comme une promotion, servait à cacher le combat pour le pouvoir entre Georges Clémenceau et Aristide Briand. Ce dernier, pour garder son poste de président du conseil, avait lâché Joffre face aux comités secrets.
A Barcelone, c’est la consternation et très rapidement l’idée d’un hommage de la Catalogne à Joffre, considéré comme « Catalan Universel », est adoptée. Elle prendra la forme d’un album où chacun à sa manière pourra exprimer sa gratitude et sa reconnaissance : dessins, peintures, poèmes, écrits, partitions musicales voisineront avec les milliers de signatures (80 000 selon la presse) connues ou anonymes, recueillies dans le Principat mais aussi à Valence et dans les Îles Baléares.
A côté de politiciens barcelonais, bien oubliés aujourd’hui, la dédicace est signée des plus grands noms de l’idée catalane : le maestro Lluis Millet, compositeur et chef de cœur de l’Orfeó Català, auteur de la musique du Cant de la Senyera, voisine avec Angel Guimerà, patriarche des lettres catalanes, parolier de la santa Espina, Enric Morera compositeur de la musique de cette même Santa Espina, Apeles Mestres, Josep Clarà, Felix Elias (Apa), Santiago Rusiñol et de tant d’autres sont là.
Le 17 décembre 1917, une délégation barcelonaise, conduite par Emmanuel Brousse (1866-1936), député des Pyrénées Orientales, fera le voyage à Paris pour le lui remettre.
Il le conservera sa vie durant d’abord à Rivesaltes dans sa maison du pont puis à Louveciennes.
A sa mort, selon son souhait et pour éviter qu’il soit détruit ou dépecé, son épouse Henriette le déposera à l’inspection du Génie en attendant son dépôt en 1984 au musée.
La municipalité de Rivesaltes a pris en charge le coût de cette restauration.